La vraie égérie du château (2ème épisode à Schönbrunn)

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Outre quelques formules de politesse, il y avait seulement trois mots que je connaissais en allemand avant de commencer à apprendre la langue : Brücke, schön et Brunnen. Die Brücke (le pont) parce que c’est le nom d’un groupe de peintres expressionnistes allemands que j’aime beaucoup. Schön (beau) et der Brunnen (la fontaine) parce qu’à l’âge de 15 ans j’ai visité le château de Schönbrunn avec ma famille. J’avais ainsi appris que Schönbrunn était un diminutif de « Schöner Brunnen », qui signifie « la belle fontaine ». Sympa comme nom de château me dis-je. D’ailleurs, il n’y en a pas qu’une de belle fontaine à Schönbrunn !

Du fait de son attraction touristique, je dois avouer que je ne me rends à Schönbrunn qu’une fois par an et que je ne m’y éternise pas. Après le confinement je décidai de profiter des lieux et d’en arpenter tous les recoins, et je vous recommande d’en faire de même. C’est ainsi qu’au détour d’une allée, je tombai sur une fontaine discrète, abritée sous un pavillon, et portant le nom de « La belle fontaine » (Schöner Brunnen) ! Oui ! Elle existe ! Moi qui pensais que cette fontaine était une légende, une histoire romantique pour le choix d’un nom et d’un endroit, je me trompais ! La fontaine qui donne son nom au château est toujours visible, et elle fournit toujours l’eau de sa source !

Nous nous trouvons là à l’endroit où se décida la construction de Schönbrunn. Autrefois, Schönbrunn se situait en pleine campagne, une campagne très giboyeuse. C’est ainsi que l’empereur Maximilien II de Habsbourg (1527-1576), alors qu’il chassait, fut attirée par une source, dont il trouva l’eau excellente à boire. Il décida alors d’acquérir ce domaine de Katterburg, pour y faire construire un relais de chasse et profiter ainsi plus souvent de cette excellente source d’eau. L’anecdote semble quelque peu légendaire, mais la construction du relais de chasse eut bien lieu. Vous pourrez d’ailleurs voir une plaque d’origine sur ce pavillon portant le monogramme de Maximilien II, ainsi que sa couronne impériale. Elle se trouvait sur un autre mur du château, mais après des travaux en 1960, on décida de la poser là où tout avait commencé, auprès de la source d’eau ! En 1642, Eléonore de Gonzague, veuve de Ferdinand II de Habsbourg, fit transformer le relais de chasse en un palais des plaisirs, que l’on baptisa par la suite Schönbrunn. C’est là la première mention de son nom. Le palais fut cependant détruit par les Ottomans lors de l’un de leur siège de Vienne en 1683. Après la défaite des Ottomans, Léopold Ier décida d’y faire construire un Versailles autrichien. Il s’agit du château que nous connaissons. L’impératrice Marie-Thérèse passa bien évidemment par là dans la seconde moitié du XVIIIème siècle. Elle fit faire de nombreux aménagements, notamment dans les jardins, et c’est à elle que l’on doit la fontaine et son pavillon, construits en 1771.

Dans ce pavillon, se cache une fausse grotte où nous attend une nymphe, qui verse de l’eau dans une vasque en forme de coquillage depuis plus de 250 ans. Regardez les détails à travers la grille de protection. Comme toute figure féminine antique, elle est nue. Le sculpteur a tenu à bien représenter son petit ventre, dont un bourrelet semble avoir été sculpté de la même manière que le tissu sur lequel elle est allongée.

Sur les roches qui servent à la nymphe de piédestal, de petits animaux s’activent pour venir goûter l’eau. On remarque notamment des escargots, qui semblent bien être des escargots de Bourgogne (je précise au passage).

Sur les murs des roseaux épis de blés (prix de l’originalité de la grotte) retiennent des tonnes de coquillages en tout genre.

Cette nymphe n’est pas n’importe qui. Il s’agit d’Egérie, nymphe qui fut la maîtresse du deuxième roi légendaire de Rome, Numa Pompilius. On raconte qu’ils se rencontraient la nuit au bord d’une source dans un bois sacré de Rome, et qu’elle le conseillait sur sa politique. A la mort de son amant, Egérie était inconsolable, ce qui agaça quelque peu la déesse Diane, qui la transforma alors en source ! Un mythe intéressant pour nous montrer à quel point les cours d’eau naturelle, la nature et l’amour des femmes peuvent aider à prendre de sages décisions ! En tout cas, pour ceux qui hésitent entre Marie-Thérèse et Sissi comme égérie de Schönbrunn, voilà une alternative !

En tout cas, cette fontaine fut toujours très aimée des Habsbourg. C’est ici que l’on venait chercher l’eau pour la table du château avant qu’il ne soit approvisionné par la grande canalisation qui vient des Alpes et alimente la ville de Vienne (comme c’est d’ailleurs toujours le cas). On transportait l’eau de la source au château avec une mule, et les membres de la famille impériale en rapportaient même avec eux dans des boîtes métalliques lorsqu’ils allaient s’y promener. François-Joseph était toujours très fier d’en offrir à ses invités lors des repas ! Une source bien chérie !

La source est d’ailleurs protégée par Cybèle (Rhéa dans la mythologie grecque), la mère des Dieux. Postée en face de la porte du pavillon, elle en observe les visiteurs avec ses deux fauves. On la reconnaît par sa couronne en forme de forteresse, qui représente la terre, dont elle seule à la clé. Méfiez-vous si vous la prenez en photo !

Derrière le pavillon, on trouve aussi une amphore un peu cachée. Je ne saurais cependant vous dire ce qu’elle fait là, retirée de l’allée. Deux hypothèses. La première est qu’on ne savait pas où la mettre. La deuxième, qu’on voulait un récipient pour stocker de l’eau. A vous de voir !

Le premier épisode à Schönbrunn est bien sûr toujours disponible sur le blog : Grosse rage de dent

Informations pratiques

La belle fontaine se trouve dans l’allée des ruines, entre les ruines romaines et le bassin des Naïades.

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