La Ankeruhr, l’horloge musicale de Vienne

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Coincée entre deux bâtiments et dans un coin du Hoher Markt, probablement la place la plus ancienne de Vienne, on peut passer devant ou dessous sans presque la remarquer ! Aujourd’hui, je vous propose ainsi de scruter la Ankeruhr, l’horloge la plus célèbre de Vienne !

Cette horloge très originale fut réalisée en 1914 pour habiller le pont abrité qui sert à relier deux immeubles d’un même complexe architectural. Il s’agit du siège viennois de la compagnie d’assurances suisse Anker (aujourd’hui Helvetia) qui s’installa dans ce coin du Hoher Markt en 1869, dans un ensemble qui s’appelait alors le Galvagnihof. Lors de la reconstruction des bureaux, une communication directe entre le Hoher Markt et le Bauernmarkt fut exigée. Il fallut donc construire deux bâtiments, d’où la création de ce pont abrité pour les faire correspondre sans passer dehors. Pour la grande Histoire, l’inauguration de la Ankeruhr passa presque inaperçue car elle eut lieu le lendemain de la l’assassinat à Sarajevo de l’archiduc François-Ferdinand et de son épouse Sophie le 28 juin 1914.

Le créateur de la Ankeruhr

L’auteur de ce chef-d’oeuvre Jugenstil est l’artiste Franz von Matsch (1861-1942), alors un des artistes les plus en vogue à Vienne, et qui collaborait beaucoup avec Gustav Klimt. C’est d’ailleurs ensemble qu’ils commencèrent à se faire un nom. On retrouve d’ailleurs sur l’horloge les caractéristiques esthétiques que l’on connaît de l’œuvre de Klimt.

L’idée de créer une horloge sur ce passage vint du fait qu’un cadran solaire romain fut trouvé sur le Hoher Markt. Cette place constituait en effet le cœur du camp romain de Vindobona, dont l’excellent musée se trouve d’ailleurs en face de l’horloge.

Décryptage

L’horloge de l’ancre, au sens littéral, possède deux cadrans, un côté Hoher Markt et un côté Bauernmarkt. Chaque façade est un beau témoignage du Jugenstil viennois et propose une manière différente de lire l’heure.

Côté Hoher Markt, c’est là que l’on a droit au spectacle ! A chaque heure, un nouveau personnage ou un couple apparaît au centre du cadran, accompagné d’une petite musique. A midi, c’est le défilé, tous les personnages défilent les uns après les autres. Un petit spectacle à voir, mais qui est loin d’être aussi grandiose que des horloges avec des jeux de carillons comme on peut en connaître à Munich par exemple. Avant de se pencher sur ces personnages, regardons bien autour.

Le cadran est surmonté d’un soleil dont les rayons sont en partie des flèches et qui a un visage. Il est surmonté d’astres et d’orbites et flanqué à sa gauche d’un poupon jouant avec un papillon, symbole de la vie, et de la mort, reconnaissable par son aspect cadavérique et son sablier, un personnage par ailleurs récurrent dans les œuvres de Klimt. Quant au cadran, ce n’est pas sur son tour que l’on peut lire l’heure, mais dans sa partie supérieure, grâce à une règle sur laquelle une flèche figurant l’heure en chiffres romains indique le nombre de minutes figuré en chiffres arabes. Très original ! C’est dans le cadran à proprement dit que défilent les personnages qui font la renommée de la Ankeruhr. Franz von Matsch décida de faire figurer douze personnes ou couples illustres de l’histoire politique et culturelle de l’Autriche. A chaque heure, un nouveau groupe apparaît sur le cadran avec une musique qui l’accompagne (à écouter ici également). Ces morceaux étaient à l’origine joués par un orgue qui fut malheureusement très endommagé à la suite des bombardements de la Seconde Guerre mondiale.

De la première à la douzième heure, nous voyons défiler l’empereur romain Marc-Aurèle, Charlemagne, le duc d’Autriche Leopold VI et la princesse Theodora de Byzance, le poète de la Cour Walther von der Vogelweide, le roi des Romains Rodolphe Ier de Habsbourg et Anna von Hohenberg, l’architecte principal de la cathédrale Hans Puchsbaum, l’empereur Maximilien Ier, le maire de Vienne durant la peste de 1679 et le siège des Ottomans de 1683 Johann Andreas von Liebenberg, le comte Ernst Rüdiger von Starhemberg, commandant en chef des forces armées de Vienne lors du 2e siège des Ottomans, le prince Eugène de Savoie, commandant en chef des armées du Saint-Empire romain germanique, Marie-Thérèse et François-Etienne de Lorraine et enfin Joseph Haydn.

Derrière ce défilé, le fond du cadran constitue une très belle mosaïque de verre, de métal et de marbre. On y reconnaît les anciennes armes de la ville de Vienne (de l’époque de la construction) et des écussons présentant différentes activités artistiques et professionnelles, comme un kouglof pour la pâtisserie ou une harpe pour la musique. De ce cadran enfin sort un tapis qui recouvre en partie une bête qui semble somnoler et semble être un dragon.

Autour de l’imposant cadran, la galerie est agrémentée d’une colonnade, de rideaux et de rosiers en pots sculptés en bas-reliefs et dorés, lui donnant des allures de palais. Entre les colonnes, on voit d’ailleurs les personnages attendant leur moment de gloire, qui se répète inlassablement deux fois par jour.


Côté Bauernmarkt, la galerie semble légèrement plus austère. Il faut dire qu’il y a moins de doré et que les seuls éléments en mouvement sont les deux aiguilles de l’horloge. Celle-ci est surmontée du nom de la compagnie d’assurances, « Der Anker », lui-même surmonté d’une ancre, symbole naturel de l’entreprise, et encadré par deux aigles. Répondant aux colonnes de l’autre façade, nous avons ici des colonnes humaines représentant des enfants nus de face ou de dos (un style décoratif qui peut provoquer une impression que je trouve personnellement assez désagréable, mais qui n’était pas surprenant au moment de sa réalisation).

Pour terminer, un petit coup d’oeil sous le passage, soutenu par des têtes stylisées assez originales. Côté Hoher Market, Adam et Eve se font face (on reconnaît Eve avec sa pomme dorée) et côté Bauernmarkt, un ange et un démon s’opposent.

Nous sommes ainsi bien là face à un chef d’œuvre Jugenstil, avec notamment certains motifs, une grande mixité de matériaux et l’emploi du doré par touches. J’espère enfin que cet article vous aura fait redécouvrir cette horloge emblématique de Vienne et vous donnera envie de la faire découvrir à d’autres.

Informations pratiques

Adresse : Hoher Markt 10-11

L’horloge comptait parmi les étapes de plusieurs rallyes dont celui dédié au 1er arrondissement. N’hésitez pas à m’en commander le fascicule pour plus de découvertes.

Photos : Amélise et Georges Jansoone (Licence : CC BY 2.5) pour la façade côté Bauernmarkt que j’avais oublié de photographier (ça arrive).

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