Comme les années précédentes, je vous propose de faire connaissance avec une personnalité belge qui marqua l’histoire de l’Autriche. Jamais deux sans trois ! Après Stéphanie et Louise, une autre princesse de Belgique, leur tante Charlotte.
Même si Charlotte passa peu de temps à Vienne, elle est une figure importante de l’Histoire européenne et mexicaine de la seconde moitié du XIXe siècle. Avec Stéphanie et Louise, nous avions déjà vu que vivre à la Cour de Vienne pouvait apporter son lot de tragédies. Dans le cas de Charlotte, on ne peut aussi que rester sans mots. Je vous propose de découvrir brièvement sa vie et sa personnalité.
Charlotte est l’unique fille du roi des Belges Léopold Ier. Elle naît à Bruxelles en 1840. A 10 ans, elle perd sa mère, Louise d’Orléans, ce qui, on raconte, la rendit assez introvertie et provoqua chez elle un certain changement de personnalité. Fille d’un monarque important en Europe, petite-fille du dernier roi de France Louis-Philippe et cousine par alliance de la reine Victoria, le mariage de Charlotte n’est pas à prendre à la légère. A 16 ans, elle fait ainsi la rencontre de l’un de ses prétendants, l’archiduc Maximilien d’Autriche, frère cadet le plus âgé de l’empereur François-Joseph. Elle en tomba éperdument amoureuse, ce qui est loin d’être réciproque. Maximilien n’y voit là qu’un devoir et un besoin. Il exige d’ailleurs de l’avare Léopold Ier une dot plus importante. Il faut dire qu’il s’est lancé dans la construction très onéreuse d’un château sur la côte adriatique, près de Trieste, le château de Miramare. Leur mariage est célébré le 27 juillet 1857 à Bruxelles, soit trois ans après celui de sa belle-sœur Sissi, qui a d’ailleurs aussi trois ans de plus qu’elle. Marié, Maximilien est fait vice-roi de Lombardie-Vénétie par son frère. En se rendant dans leur nouveau royaume, le couple fait halte à Schönbrunn, où Charlotte rencontre sa belle-famille. Ils partent ensuite pour Miramare, puis se rendent à Venise, Vérone et Milan, où ils s’installent pour gouverner la province impériale et y établir leur propre Cour qu’ils souhaitent brillante et raffinée. Cela sera difficile à entreprendre en raison de l’hostilité grandissante des Italiens envers l’Autriche et de leur volonté de prendre leur indépendance en fondant un État italien. Des conflits armés se succèdent. Maximilien plaide pour des mesures plus libérales mais François-Joseph ne le souhaite pas et finit même par le destituer en avril 1856. Quelques mois plus tard, la Lombardie est définitivement perdue. Charlotte et Maximilien s’établissent ainsi dans leur château de Miramare, privés de rôles politiques importants. Il paraît clair à partir de ce moment-là que les deux époux se sont éloignés pour ne jamais se retrouver. Maximilien passe très peu de temps avec Charlotte et enchaîne les aventures amoureuses. On raconte même que le mariage n’aurait pas été consommé. Des nombreuses difficultés qu’elle rencontre, Charlotte n’en fait état à personne. Dans sa correspondance, elle ne cesse de se répandre en louanges au sujet de son mari et de faire de longs récits sur le fait que tout se passe à merveille.
Charlotte et Sissi
Charlotte et Sissi se rencontrent lors du passage de Charlotte et Maximilien, fraîchement mariés, à Vienne. Charlotte, qui a beaucoup d’ambition, se sent écrasée par la personnalité de sa belle-sœur et l’attention qu’on lui porte. Sissi, sentant ce caractère ambitieux, la prend de haut. Elles critiquent l’ascendance de chacune, Charlotte ne cessant de répéter que Sissi n’est que la fille d’un duc de Bavière, alors que son ascendance à elle est bien plus prestigieuse. Des conversations bien tristes pour deux femmes très intelligentes et cultivées. Maximilien avait d’ailleurs fait comprendre que l’intelligence de Charlotte le dérangeait. Mais tous ces cancans ne sont rien à côté de l’incident de Miramare. De retour d’un voyage à Madère, Sissi fait halte chez son beau-frère et sa belle-soeur le 18 mai 1861. Un des gros chiens de Sissi n’y fait qu’une bouchée du petit bichon de Charlotte qui lui avait été offert par la reine Victoria et auquel elle tenait beaucoup. Sissi répondit à cela en se moquant de la tristesse qu’éprouvait Charlotte. Sympa Sissi !
Impératrice du Mexique
Napoléon III souhaite mettre sur le trône du Mexique des souverains catholiques et européens afin de limiter l’influence des Etats-Unis et afin de récupérer les sommes qu’il avait prêté au Mexique. Il propose ainsi ce trône impérial au couple ambitieux que forme Maximilien et Charlotte. Charlotte le veut à tout prix. Elle pourra enfin avoir un grand titre et une Cour impériale et resplendissante. Maximilien est assez méfiant mais finit par se laisser convaincre. Il est couronné empereur du Mexique le 10 avril 1864 en son château de Miramare. Ils embarquent ensuite pour le Mexique, où la situation politique est très tendue. Ils ne sont populaires qu’auprès d’une petite partie conservatrice de l’élite qui est quant à elle rapidement déçue par leur comportement. Charlotte et Maximilien passent en effet la plupart de leur temps à établir des règles pour la Cour qu’ils veulent au moins aussi raffinée que celle de Vienne et dépensent des sommes mirobolantes en construction et restauration de demeures impériales alors que les caisses de l’empire sont vides. Maximilien part à la découverte des terres de l’empire et laisse le gouvernement de ce dernier dans les mains de Charlotte. Il la force aussi à adopter avec lui les deux petits-fils de l’ancien empereur déchu du Mexique Agustín de Iturbide, Agustín et Salvador. La situation politique semblant bientôt hors de contrôle, Charlotte part avec ses enfants le 8 août 1866 pour la France afin de demander de l’aide. Napoléon III peine à la recevoir et elle n’obtient aucun soutien. Pensant de pas en obtenir non plus de la Belgique et de l’Autriche, elle se retranche à Miramare.
Charlotte sombre dans la folie
Charlotte aurait déjà fait l’expérience d’une dépression peu de temps après son arrivée et son mariage à cause du manque d’affection de la part de Maximilien, l’absence de grossesse et la perte de plusieurs êtres chers. Au Mexique, elle commence à penser que l’on cherche à l’empoisonner. Elle se sent de plus en plus persécutée. Quand elle arrive à Miramare, son entourage et les Habsbourg la considère vraiment comme folle. Après l’exécution de Maximilien le 19 juin 1967, qu’on lui cache, elle redevient archiduchesse d’Autriche, mais les Habsbourg veulent récupérer Miramare. Sa belle-soeur, la reine des Belges Marie-Henriette, vient la chercher pour l’installer près de sa famille à Bruxelles.
Retour en Belgique
En Belgique, son frère, le roi Lépolod II, veille à ce qu’elle soit isolée mais qu’elle ait sa Cour et du personnel en nombre pour s’occuper d’elle et la divertir, pensant ainsi calmer ses crises de folie. Un an après son exécution, elle apprend ainsi la mort de son époux et se sent fière qu’il n’ait pas abdiqué et soit donc mort en héros. Elle développe alors un véritable culte autour de son défunt mari, collectionnant tout ce qui ait pu lui appartenir. Sa folie devient de plus en plus grave. Elle décide par exemple de se faire appeler Charles, se donne de grands coups de cravache et parle parfois plus d’une journée sans s’arrêter une seule seconde. Archiduchesse d’Autriche, elle n’est pas inquiétée par l’invasion de la Belgique en 1914. Elle meurt à 86 ans des suites d’une grippe le 19 janvier 1927.
Voilà le bref portrait d’une Belge dont le destin rencontra celui de l’Histoire autrichienne.
La photo de Charlotte illustrant cet article fut prise dans les années 1860.
Bibliographie
La vie de Charlotte fut relatée dans de nombreuses biographies et même en bande dessinée.
Coralie Vankerkhoven, Charlotte de Belgique : une folie impériale, éditions Le Bord de l’eau, 2012
Dominique Paoli, L’impératrice Charlotte, éditions Perrin, 2008
André Castelot, Maximilien et Charlotte, éditions Perrin, 2002
Paul Mourousy, Charlotte de Belgique. Impératrice du Mexique, éditions du Rocher, 2002
Une série de bandes dessinées faisant office de biographie magnifiquement illustrée :
Fabien Nury et Matthieu Bonhomme, Charlotte impératrice, tome 1, éditions Dargaud, 2018
Fabien Nury et Matthieu Bonhomme, Charlotte impératrice, tome 2, éditions Dargaud, 2020
Autres articles sur les Belges de Vienne