Vous avez sans doute remarqué avec le temps que j’aime beaucoup visiter des abbayes. C’est ainsi que lorsque je me rendis l’an dernier de nouveau à Linz à l’occasion du Pflasterspektakel, superbe festival des arts de rue, j’en profitai pour pousser jusqu’à Kremsmünster, dont j’avais vu le nom mentionné dans plusieurs guides. Avec l’amie qui était avec moi, nous ne nous attendions pas à découvrir une abbaye de cette ampleur, surtout en termes de collections d’œuvres et d’objets d’art.
L’abbaye de Kremsmünster a été fondée en 777. C’est ainsi l’une des plus anciennes abbayes d’Autriche, et la plus ancienne de Haute-Autriche. Elle fut fondée sur ordre d’un cousin de Charlemagne, le duc de Bavière Tassilon III. On les voit tous les deux sur le portail principal. L’abbaye bénédictine compte à ce jour une quarantaine de moines. On peut se promener librement dans le parc pour admirer l’ensemble de bâtiments qui était autrefois fortifié, et pénétrer dans l’église romane qui fut baroquisée. Les intérieurs et l’observatoire ne se visitent quant à eux que dans le cadre d’une visite guidée (plus d’informations dans la suite de l’article).
La légende de la fondation de l’abbaye
La fondation légendaire de l’abbaye est une histoire plus qu’originale dont on retrouve les protagonistes dans l’église et sur le blason de l’abbaye. En 777, alors que Tassilon III est à la chasse avec son fils Gunther, ce dernier est attaqué et tué par un sanglier. Après cet accident fatal, Tassilon III voit un cerf dont les extrémités des bois s’illuminent telles des chandelles. Il voit là un signe de Dieu et décide de faire construire un monastère sur l’endroit où son fils a rendu son dernier souffle. Une très belle légende. Tassilon III n’avait pas de fils prénommé Gunther, et cette légende se répandit bien après la fondation de l’abbaye, décidée dans le cadre de la politique d’extension de la Bavière. On trouve toutefois le gisant de Gunther, datant de la fin du XIIIe siècle, à l’entrée de l’église avec à ses pieds le sanglier qui le tua et son chien, qui montra à Tassilon III où reposait son fils. On retrouve ces animaux ainsi que le bœuf qui fut mangé lors du banquet qui se tint après les funérailles de Gunther sur le blason de l’abbaye. Un blason très original !
La bibliothèque, la salle impériale et le musée
Voilà ce que l’on découvre lors de la visite guidée des intérieurs de l’abbaye, et c’est tout simplement époustouflant.
La bibliothèque date de la seconde moitié du XVIIe siècle et est l’œuvre de l’architecte italien Carlo Antonio Carlone, tout comme la salle impériale et les transformations baroques de l’église romane. C’est un très bel ensemble baroque dont les décors révèlent quelques surprises que je ne préfère pas vous révéler pour que vous en profitiez. Son plancher en bois d’origine lui confère une atmosphère chaleureuse. On compte environ 50 000 ouvrages dans cet enchaînement d’espaces décorés, mais l’abbaye conserve en tout plus de 200 000 ouvrages, ce qui en fait l’une des plus grandes bibliothèques monacales au monde.
La salle impériale (Kaisersaal) est au moins tout aussi époustouflante avec son impressionnant plafond peint en trompe-l’œil en 1696 et qui ne fut encore jamais restauré !
Le musée abrite des collections très hétéroclites et quelques trésors. Il y a bien sûr le calice de Tassilon, qui aurait été réalisé entre 770 et 790 et qui est l’un des plus beaux objets du Haut Moyen Âge européen. Il est toujours utilisé deux fois par an lors de cérémonies. On trouve aussi dans cette très grande collection une Bible écrite vers l’an 800, le Codex Millenarius, un magnifique tableau de Jan Brueghel l’Ancien, frère du fameux Pieter Brueghel le Jeune, une collection de boîtes tabac à priser de toutes formes et de toutes matières qui appartenaient pour la plupart aux moines et comme clou du spectacle je dirais, un siège du milieu du XVIe siècle fait des ossements de Soliman, le premier éléphant à avoir foulé le sol autrichien, un objet sensationnel (ici mon article sur le fameux Soliman).
L’observatoire
L’observatoire de l’abbaye est l’un des plus anciens d’Europe. Il fut construit entre 1749 et 1758. N’ayant pu combiner les deux visites dans la journée, j’ai hâte de retourner dans la région pour le faire. Il comprend de nombreuses collections scientifiques qui semblent remarquables.
Les viviers
N’oubliez pas d’aller voir les viviers, de magnifiques bassins construits pour l’élevage du poisson. Ils furent construits par Carlo Antonio Carleone à la fin du XVIIe siècle et par Jakob Prandtauer en 1717. Leur élégance avec leurs colonnades et leurs statues agrémentant les bassins est sans pareil. On y accède par la boutique de l’abbaye.
Notez que l’abbaye abrite également une école depuis 1549. C’est aujourd’hui un lycée qui eut notamment pour élèves Otto Wagner et Adalbert Stifter.
Informations pratiques
Adresse : Stift, 4550 Kremsmünster
Les intérieurs de l’abbaye et l’observatoire ne se visitent que dans le cadre d’une visite guidée. Elles ont chacune lieu les mercredis, vendredis, samedis et dimanches à 10h30 et à 14h. Celle de l’observatoire ne peut se faire que du 1er mai au 31 octobre, mais celle des intérieurs toute l’année. Les visites guidées sont en allemand, mais on peut les avoir en anglais sur demande. Pour celle des intérieurs de l’abbaye, des textes sont disponibles en français et en italien pour suivre la visite.
Notez que les visites guidées n’ont lieu que si elles ont au moins 4 participants (nous n’étions pourtant que trois, les chanceux). Il est donc recommandé de réserver ses places au 07 58 35 27 51 51 ou par mail à klosterladen@stift-kremsmuenster.at
Tarifs par visite guidée : 13 € par personne et 6 € pour les 6-14 ans.
L’accès aux extérieurs et au parc est gratuit.
Pour se rendre à l’abbaye de Kremsmünster depuis Vienne, comptez environ 2h30 en voiture ou 2h à 2h20 en tout par le train avec un changement à Linz. Horaires des trains. Il y a plusieurs trains par heure entre Linz et Kremsmünster (30 à 40 minutes de trajet). Depuis la gare de Kremsmünster, il faut marcher une vingtaine de minutes pour rejoindre l’abbaye.