Soliman, l’éléphant star de Vienne

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Après Lilli, l’oie star, il y a deux semaines, place à une autre star animale, Soliman, le premier éléphant que connut Vienne.

C’est en préparant une visite virtuelle de la ville de Linz que je découvris l’histoire de Soliman. L’une des belles demeures de la Hauptplatz de Linz arbore son effigie en façade et cela me mena à faire quelques recherches… Une histoire incroyable mais vraie !

Soliman est un éléphant d’Asie qui naquit vers 1540 dans un petit royaume disparu situé dans l’actuel Etat du Sri Lanka. Il a une petite dizaine d’années (et est alors en pleine puberté) quand on lui fait prendre la mer pour l’emmener au Portugal. Le roi du Portugal, Jean III, souhaitait l’offrir à son petit-fils, Don Carlos, héritier de la couronne d’Espagne (Jean III avait eu l’intelligence de marier l’une de ses filles à son voisin et neveu Philippe II d’Espagne ! Lui-même fils de Charles Quint. Ça fait beaucoup de détails mais c’est pour vous rappeler qu’on est finalement encore chez les Habsbourg). Après son débarquement à Lisbonne, Soliman fut donc envoyé chez le petit Don Carlos à Valladolid. Là, on se rendit compte qu’entretenir un éléphant, ça coûtait pas mal d’argent. Heureusement, l’un des oncles de Don Carlos en a ! C’est le futur et fameux Maximilien II, archiduc d’Autriche et empereur du Saint-Empire romain germanique. Quand on se destine à devenir empereur, on peut bien entretenir le roi des animaux sur terre !

C’est ainsi qu’un long voyage à travers l’Europe commença pour Soliman. On lui fit reprendre le bateau pour Gênes, puis rejoindre l’Autriche en passant par le col du Brenner (peut-être a-t-il été à l’origine des premiers bouchons que connaît la circulation du col). Il fit une arrivée triomphale à Innsbruck et on le transporta ensuite sur les flots de l’Inn et du Danube pour arriver à Vienne le 6 mars 1552. Tout au long du voyage il fit déplacer des masses de gens. Voir un tel animal était quelque chose de presque inimaginable alors. Une véritable euphorie gagnait les populations locales et on célébrait dignement son passage. En témoigne aujourd’hui encore certaines fresques, sculptures ou noms de tavernes que l’on peut voir dans de nombreuses bourgades qui le virent passer.

A Vienne, il eut droit à une parade triomphale, un surnom, Pepi, et s’installa dans la ménagerie du château d’Ebersdorf (aujourd’hui dans le 11ème arrondissement, on ne parlait pas encore de Schönbrunn 😉). Il n’y resta cependant pas très longtemps puisqu’il y mourut le 18 décembre 1553 (toujours adolescent). Même si les gens à son service devaient faire leur possible, il ne devait pas être nourri de la manière qui convenait le mieux.

Il ne tomba bien évidemment pas dans l’oubli (ce serait bien le comble pour un éléphant !). On prit soin de conserver sa dépouille. Un éléphant symbolisant puissance, sagesse, force, longévité et intelligence, on fit de certains de ses os un siège, qui devait bien avoir valeur de trône, et on dispersa d’autres os aux quatre coins de l’Empire. Maximilien le fit aussi empailler et il atterrit ainsi chez Albrecht V de Bavière, Maximilien ayant réussi à se procurer un autre éléphant par l’intermédiaire, de nouveau, de Jean III du Portugal (sorte de dealer de pachydermes). Le cuir de Soliman ayant moisi dans les caves du musée national de Munich pendant la Seconde Guerre mondiale, il finit par être utilisé pour faire des semelles de chaussures.

Sa mémoire fut aussi entretenue à deux pas de la cathédrale Saint-Etienne par un bas-relief le représentant, et ce jusqu’en 1866. La maison sur laquelle il se trouvait, d’ailleurs appelée maison de l’éléphant (Elefantenhaus ou encore Zum schwarzen Elefanten) fermait la place Stock-im-Eisen et l’isolait ainsi du Graben. On décida cependant de l’ébouler pour donner forme à ce vaste espace que l’on connaît aujourd’hui. Vous pouvez voir à quoi la maison et la place ressemblaient avant les travaux sur ce site.

Aujourd’hui encore Vienne célèbre ses éléphants. L’un d’eux, Kibali, né en juillet 2019 au zoo de Schönbrunn est ainsi devenu une unité de mesure. C’est lui le fameux « bébé éléphant » dont la taille correspond à la distance que l’on doit respecter avec les autres depuis les débuts de la pandémie de Covid-19 en Autriche.

Enfin je souhaite faire un petit clin d’œil aux lecteurs qui s’attaquent chaque mercredi soir à la devinette pour trouver le sujet de l’article de la semaine sur mon compte Facebook. A chaque publication de plan d’Ottakring, certains comparent la forme de l’arrondissement à un pachyderme. Merci pour ces bons moments de divertissement virtuel !

Ci-dessous rendu vivant par une lectrice ! Merci Karine !

Crédit photo pour la gravure représentant Soliman : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Soliman.1.jpg

Crédit photo pour la carte : Google Maps

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